Marcel Deltour, mai 40 – septembre 1944

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Vendredi 10 mai 1940, à 6 heures du matin, le ciel est rempli d’avions allemands qui vont bombarder les points stratégiques (gares, champs d’aviations, etc …). Nous partons travailler en train comme d’habitude. A la gare de Nivelles, on ne va pas plus loin, c’est la guerre.

Les hommes sont mobilisés et doivent rejoindre l’armée ; nous, les jeunes, rentrons à la maison.

Pendant la journée, je vais à la grand-route à Sart-Dames-Avelines voir passer les troupes françaises sénégalaises qui montent au front (vers les provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg)

Le dimanche 12 mai, les premiers réfugiés liégeois arrivent.

Le mardi 14 mai, bombardement de la ville de Nivelles et notre garde-champêtre Isidore reçoit l’ordre de départ des jeunes gens. Nous devons rejoindre le CRAB (Centre de Recrutement de l’Armée Belge) à Ypres, en Flandre. Quatorze villersois de 18 à 20 ans partent à vélo.

Après une bonne dizaine de jours sur les routes de France à vélo, à pied, en train, en chariot tiré par des chevaux, nous arrivons dans le midi de la France, à Saint Jean du Gard. Nous reviendrons à Villers le 18 août, malades pour certains et amaigris pour tous.

La vie en temps de guerre s’organise surtout pour trouver de la nourriture. On crée le « secours d’hiver » où l’on peut aller chercher des aliments en échange de timbres de ravitaillement. On en reçoit une carte par mois et par personne. Dans les zones rurales, comme à Villers, on surveille les champs la nuit car les gens des villes ont faim et viennent voler la nourriture (choux, pommes de terre, froment, carottes, etc..) sur les champs. Nous, les jeunes de 20 ans, on aime bien, car après la nuit de garde, on repassait par la ferme, le matin, et on déjeunait très bien avec du bon pain et du beurre. Je dois dire que nous, à Villers, dans les zones rurales en général, on se débrouillait encore. Mais dans les villes, les gens ont vraiment souffert.

Le travail dans les usines avait repris, mais on organisait du sabotage, car ce que l’on fabriquait était destiné aux Allemands qui étaient nos ennemis. En représailles, les soldats allemands faisaient des rafles. Les jeunes se cachaient alors dans les égouts de l’usine.

A Villers, une grande terre située au Calvaire avait été prêtée à ceux qui le souhaitaient pour cultiver des pommes de terre, des carottes, … et dans le village, les parcelles de terre devant les maisons étaient également cultivées avec des légumes.

A 22 heures, le soir, il ne fallait plus se trouver dans la rue, c’était le couvre-feu jusqu’à 6 heures du matin sauf autorisation spéciale délivrée par les Allemands. Pas de lumière aux fenêtres le soir ni dans les rues.

En 1942, j’ai changé d’employeur. Pour se faire, je me suis retrouvé pendant 2 jours à la « Kommandantur » (bureau allemand situé à Charleroi) afin d’avoir la régularisation de mes papiers et avec toujours la peur d’être envoyé en Allemagne comme travailleur, ce qui a été le cas de beaucoup de jeunes.

Les années passaient lentement dans la peur et la privation (nourriture, habits, distractions). Les fermiers vendaient leur nourriture au marché noir, très cher.

 Au début de 1944, l’espoir de voir enfin la fin de la guerre arrive. Mais les alliés (Américains, Anglais) commencent à bombarder les endroits importants et stratégiques (routes principales, gares, bâtiments d’usines, dépôts). A la gare de Villers, un dépôt de matériel pour le chemin de fer appartenant à Monsieur Gailly a été détruit.

Les trains sont de plus en plus irréguliers. Je décide avec d’autres jeunes de nous rendre au travail à vélo (Villers-Nivelles). Cela a duré plusieurs mois avec du matériel pas très performant.

Après 4 longues années, un dimanche de septembre 1944, les alliés (Américains et Anglais) nous ont libérés de l’envahisseur. Il a fallu encore attendre le mois de mai 1945 afin de voir la fin de la guerre. 

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